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Canardo dans les alpages
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ARGOS2003
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« Nul
n’entre ici s’il ne sait rire de
lui-même » F Nietzche
opéra-bouffe
en trois actes, trois clans et deux choeurs
Une enquête de l'inspecteur Canardo
Toute ressemblance avec
une situation existante ne peut être due qu'à un délire du
lecteur. (remède : un seau de clopixol)
Dans une vallée reculée d'une île de la méditérannée, les brebis sont
souvent malades et
se mettent périodiquement à faire des bonds (les hauts) puis à se
coucher dans l'herbe et à ne plus manger (les bas). Le
rebouteux qui soigne les brebis, a imaginé de leur faire des
causeries pour leur dire quand elles doivent prendre leurs herbes
médicinales et les règles de vie qu'elles doivent suivre
pour ne plus retomber malade. Les causeries ont eu un
grand succés et attiré les brebis malades et leurs bergers des vallées
environnantes.
Les brebis malades se sont organisées en clans et en sous-clans. Suite
à des incidents avec les touristes (envoi de mottes de terres, broutage
de tentes, etc..), l'inspecteur canardo a été envoyé pour enquêter et
compter les brebis.
Les personnages (dans l'ordre d'entrée en
scène):
le rebouteux qui parle à ses brebis
michette, une
brebis
graphomane assistée de jeannette
péronnette, autre brebis graphomane la préférée du rebouteux ,
assisté de herbette
woolmark, brebis d'origine étrangére fiére de la qualité de sa
laine
cosette, la 1ere
présidente
des brebis malades
grisier, le bélier éminence très grise de cosette
blanquette, chef de choeur des courtisanes de cosette
miliette et lafonette, les volontaires qui gravent les causeries
crocodette une autre volontaire pour graver au burin acéré.
Les choeurs :
le
choeur des courtisans (dirigé par blanquette)
refrain " la présidente a toujours raison"
variante hypocrite
"le CA a toujours raison"
le choeur des brebis malades
"beee, beee"
ACTE1
Le canal historique
(Michette, Jeannette, Péronette, Herbette, )
Les causeries du rebouteux ayant galvanisées les brebis,
celles-ci se sentirent investies d'une mission céleste : répandre la
bonne parole aux quatre coins de la planéte. Pour cela il était
nécessaire de tanner des peaux, puis d'écrire sur celles-ci la
révélation qu'elles avaient reçue du rebouteux et qui avait changé leur
vie. De brebis galeuses et vouées à l'équarissage (peut-être même avec
elles tout le troupeau, ainsi que leurs ascendants et descendants
disséminés dans les autres troupeaux), elles étaient promues à l'état
de brebis
malades devant être soignées avec des herbes choisies et à qui tout
stress devait être évité.
La berbis la plus agitée et
entreprenante était Michette. Avec l'assistance de Jeannette, une autre
brebis très organisée qui avait fait des comptes toute sa vie (nombre
de brins d'herbe mangé par brebis, surface tondue, poids acquis, le
tout cumulé ensuite par herbage, puis par paroisse, baillage et même ô
suprême travail, par généralité), elle écrivit la révélation reçue sur
parchemin et la fit distribuer par un colporteur nommé Chiron, capable
de couvrir de grandes distances en peu de temps.
Une autre brebis graphomane, capable, en
état de haut, d'écrire ses dix peaux par jour était Péronette. Le
rebouteux, qui voulait étendre sa renommée (et ses honoraires) par le
moyen du colportage sollicita Péronnete pour écrire un livre à deux
mains, pardon à quatre pattes. Péronette, assisté de Herbette écrivit
donc sa vie et le rebouteux la commenta en termes choisis en indiquant
les herbes recommandées pour chaque phase du cursus. Péronette était
particulièrement vexée du procédé inhumain qui consistait à la mettre
toute seule dans une cave noire quand elle était excitée avec quelques
solides coups de pieds, et
à lui donner à boire une décoction qui la rendait complètement
abrutie. Parfois même, à l'arroser à l'eau de fonte
(particulièrement froide) avec un tuyau, pour la faire taire. Elle ne
faisait de mal à personne en discourant auprès du berger à la veillée
durant des heures du rôle de l'agressivité dans l'évolutIon des espéces
et de l'influence de la lune sur la poussée de l'herbe et la lactation
! Pourquoi le berger finissait-il toujours par devenir agressif et
envoyer son chien la mordre ? Elle tenait à clamer haut et fort
à la face du monde, cette
atteinte aux droits de la brebis.
ACTE2
Le canal habituel
(Cosette, Grisier, Blanquette)
Dans cette grande effervescence,
les brebis malades, poussées par Jeannette, décidérent de créer une
association dans les règles
afin de pouvoir recevoir des subventions et d'organiser leurs actions
auprès de leur consoeurs des autres vallées.
Une association dirigée par Woolmark existait
déjà. Mais elle s'adressait surtout aux brebis qui n'avaient que des
bas. Elles se réunissaient en rond à la pleine lune et chacune à son
tour exposait son cas et le chœur bélait "pauvre petite brebis malade"
jusqu'à ce qu'elle se sente réconfortée. Les brebis fréquemment en état
de haut, comme Michette et Péronette, trouvaient cette methode
simpliste et inadaptée pour toute les brebis mais encore plus
à leur cas. Elles quittèrent le choeur des pleureuses et rassemblèrent
celles qui avaient des chances de guérir. Là on ne se lamentait pas, on
réfléchissait, réfléchissait.
Cette organisation provoqua
d'abord le départ
de Michette qui, ne voyant pas ses mérites unanimement reconnus, se
retira dans une vallée d'une autre montagne lointaine avec le projet
d'organiser un Tour de toutes les vallées. Péronette ne
voulant pas se charger d'organiser des réunions régulières, c'est
Cosette qui pris cette charge appuyée par Grisier.
Cosette , une fois élue organisa ses réunions,
mais pour le reste pris l'habitude de vouloir tout régenter et de
soigneusement enterrer les travaux des autres brebis en leur disant
"je
m'en occupe".
Les premières qui en fit les
frais fut Péronette et
Herbette qui virent leur journal
soigneusement caché, jusqu'à ce que l'inspecteur Canardo ne le déterre.
Péronette se consola en terminant son
manuscrit avec le rebouteux, quelques émissions dans
les étranges lucarnes pour expliquer ses cabrioles extraordinaires et
des rassemblements périodiques avant et après les causeries au plus
proche abreuvoir.
ACTE3
Le canal ouaibe
(Miliette, Lafonette,Crocodette)
Pour
envoyer les causeries aux brebis des vallées trop
éloignées, il avait été imaginé de les graver sur des pierres plates
et rondes. En faisant tourner ces pierres rondes, avec une incantation
à la fée cédéromme, il devenait possible de réentendre les causeries du
rebouteux par grand vent et avec une bonne oreille.
Cosette quand elle vit arriver la première
pile de pierres gravées fut affolée : "qu'est ce que c'est, comment ça
marche, comment a-t-on pu faire cela sans mon auguste participation ?".
De plus un des ses portraits gravé sur une pierre avec les pattes
en l'air (très osé chez les brebis) avait été diffusé très loin par le
vent, ce qui l'avait traumatisée. Aussi enterra-t-elle les premiers
exemplaires en disant qu'elle devait
les lire soigneusement avant tout envoi, ce qu'elle ne fit jamais.
Blanquette, qui caressait le rêve d'écrire son
"évangile selon blanquette"
en reprenant les propos du rebouteux
fut ulcérée de cette diffusion qui lui coupait l'herbe sous le sabot.
Comment les brebis éloignées, après avoir entendu la voix de son
maitre, auraient-elles pu trouver de l'intérêt à son éventuelle et pâle
copie ? Aussi se proposa-t-elle comme scribe officielle des paroles du
maître en remplacement de l'envoi des pierres gravées qui n'avaient,
disait-elle, aucun intérêt. De plus, avec son "évangile selon
blanquette", elle pourrait par la suite prétendre au poste de
présidente et
d'interprète officielle du maître.
Crocodette ne l'entendait pas de cette
oreille. Aussi laissa-t-elle le vent souffler sur les pierres gravées
et
distribua-t-elle des pierres gravées à quelques brebis choisies pour
"demander
leur opinion" avec un conseil
"c'est
confidentiel, surtout ne les reproduisez pas"
Au bout d'un
certain temps, elle finit par
s'entendre avec le rebouteux pour organiser la distribution au grand
jour, plutôt que sous le manteau. Le rebouteux, pour ne vexer personne,
demanda à tout le troupeau assemblé si ses paroles leur
semblaient dignes d'être envoyées
au bon peuple ovin des autres vallées, car lui en doutait fortement.
Bien
sûr tout le troupeau bêla en choeur son approbation et lorsqu'il
demanda s'il y avait une opposition aucune brebis ne se manifesta.
Dans
"le génie des alpages" de F'Murr (Dargaud 1976) , un
épisode les cornichons
délirants (p 12-13) évoque les troubles bipolaires. Ce
n'est d'ailleurs pas le meilleur du lot. Dans un autre album il met en
scène la brebis MacMachin fière de sa laine. Rendons également
l'ineffable Canardo à SOKAL.
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