croco argos2003 MEDEC 2004 : LES TROUBLES BIPOLAIRES
ROLE DU MEDECIN GENERALISTE
DU DIAGNOSTIC A LA PRISE EN CHARGE


ARGOS2003


 
Le MEDEC (ex Entretiens de BICHAT) est une occassion pour les médecins de se rencontrer et de se maintenir au courant des dernières nouveautés thérapeutiques et pour l'industrie (pharmaceutique ou appareils médicaux) de présenter les dernières nouveautés.
  Les quelques notes qui suivent n'ont aucune prétention à l'exhaustivité. ce sont juste les "nouveautés" qui ont retenu mon attention. C'est aussi intéressant (ou déroutant suivant les cas) de suivre des exposés bien construits. Les "abstracts" détaillés  des interventions suivent les comptes-rendus.
  Cette séance était sponsorisée par Eli-Lilly, dont le zyprexa (olanzapine) faisait l'objet d'une présentation), et qui fournissait, entre autres, les blocs-notes, les stylos et les cartables.

   Deux nouvelles incidentes à l'occasion de ce MEDEC :
1). Lancement du site PARI   centralisant une information "officielle" sur les troubles psychiatriques.
2). Une brochure "Les troubles bipolaires en France" à l'usage du grand public, donnant les coordonnées de quelques associations de malades.

Journée d'Amphi en psychiatrie : 8 mars 2004. Présidente : Marie-Christine HARDY (hôpital de Versailles)

Comptes-rendus  : CliniquePrise en charge  |  Ateliers | Revue de presse |

Résumés : (extraits de lemedec.com)
 Diagnostic (F.SLAMA) |  Clinique (C.GAY) | 
Rôle du généraliste
  (MC HARDY) | Zyprexa(F.SORBARA) | Atelier(C.HENRY)

CLINIQUE DU TROUBLE BIPOLAIRE
Un diagnostic difficile pour un trouble fréquent. Dr Frédéric SLAMA(Créteil)
  Attention portée aux prodromes et à la période intercritique :
 - prodromes avec le syndrome d'hyperactivité avec déficit d'attention  (en liaison avec les pédo-psychiatres)
 - période intercritique : essentiel pour le diagnostic différentiel avec la schizophrénie.

Description clinique des troubles bipolaires Dr Christian GAY(Paris)
   
Présentation de quelques vignettes cliniques, après les généralités habituelles (pour les auditeurs de ses conférences)

QUELLE PRISE EN CHARGE POUR LE PATIENT BIPOLAIRE
Rôle du médecin généraliste Pr Marie-Christine HARDY (Versailles)
 
A). La non-reconnaissance des troubles bipolaires n'est pas seulement le fait du généraliste, mais aussi du psychiatre et même du service hospitalier.
  Tranche à risque : hommes de 25 à 45 ans qui refusent la maladie. Difficile mais nécessaire à faire son deuil d'être bien portant.
  Contact direct avec le conjoint ou l'acompagnant nécessaire pour une compliance au traitement. Pour 90% des membres des familles c'est une "détresse majeure" que de vivre avec un bipolaire.
  Schéma classique : étiologie -> diagnostic -> traitement. Ne marche pas pour les troubles bipolaires. 

 
B). Mise en place dans le Sud-Yvelines d'un partenariat entre psychiatres et médecins généralistes, avec la création d'une consultation pour "avis" dans un court délai d'un psychiatre à la demande d'un généraliste.
  23% sont suivis exclusivement par un généraliste.
Q1. Que faire si le malade refuse son traitement ?

Nouvelles perspectives thérapeutiques (Zyprexa) Dr Frédéric SORBARA(Eli-Lilly)
 
Présentation des études de justification du Zyprexa.
  Les effets extra-pyramidaux du Zyprexa, tels qu'ils apparaitons dans la nouvelle édition du VIDAL.
  Patients qui préférent traiter les épisodes plutôt qu'un traitement thymorégulateur.
  Pas de neuroleptiques dans les dépressions bipolaires.
  HDT nécessite des contacts famille-patient-médecin.

ATELIERS : AIDE AU DIAGNOSTIC
Dr Chantal Henry (Bordeaux)
 
Technique de l'arbre généalogique.
   Hyperéactivité émotionelle et tempéraments associés.
   Présentation d'une vignette clinique (cas d'une enseignante "dépressive" très active ordinairement) et recherche des symptômes "bipolaires".
  Derrière chaque dépression on doit suspecter un trouble bipolaire latent ou réél.
Dr Jean-Albert MEYNARD (la Rochelle)
 
Dysthyroidie fréquente avec les cycles rapides.
   Le lithium n'admet sa pleine efficacité préventive parfois qu'au bout de 2 ans.


REVUE DE PRESSE
 
Faible impact pour les réunions sur les troubles bipolaires au MEDEC. La terminologie ne semble pas fixée pour le grand public, trouble de l'humeur ou maniaco-dépression ou troubles bipolaires ?. Les deux premiers titres sont approximatifs et témoignant d'une méconnaissance du sujet. "Jean qui rit et jean qui pleure" est une image inadéquate pour les phases d'exaltation et de dépression. Le zyprexa, qui apporte un complément thérapeutique très utile, n'est pas deux fois plus efficace que le lithium.

1). Yahoo actualités (Web) Jean qui rit et Jean qui pleure: des troubles bipolaires non-diagnostiqués? vendredi 19 mars 2004, 18h00
2). Le parisien libéré. (journal) Troubles de l'humeur : un traitement deux fois plus efficace Laure Pelè - Le parisien libéré. 20-03-2004
3). Les Echos(journal) « Maniaco-dépression : un dépistage difficile » (Les Echos - 25 mars 2004)

Dr Frédéric SLAMA (Créteil)
Trouble Bipolaire de l’humeur : un diagnostic difficile pour un trouble fréquent.

 Le trouble bipolaire de l’humeur (anciennement psychose maniaco-dépressive) est caractérisé par la récurrence d’épisodes dépressifs majeurs et de manies ou
d’hypomanie, de fréquence et d’intensité variables. Sa prévalence sur la vie entière se situe aux alentours de 1% ; il concerne donc environ 600 000 personnes en France.
 Cependant, bien que ce trouble soit fréquent, dix années s’écoulent le plus souvent entre les premiers symptômes et le premier traitement thymorégulateur. Ce délai s’explique en grande partie par la difficulté rencontrée par les praticiens (généralistes ou psychiatres) pour porter ce diagnostic ; à moins d’être confronté à
une manie, une hypomanie ou un état mixte, le diagnostic de trouble bipolaire de l’humeur ne peut être que rétrospectif. Le risque suicidaire important, le raccourcissement des cycles avec le temps, la désocialisation et l’augmentation du nombre des hospitalisations avec le temps en constituent les principaux dangers. Le fait de poser précocement le diagnostic autorise pourtant l’instauration immédiate d’un traitement prophylactique adapté et le plus souvent efficace. Il paraît donc primordial d’insister tant sur les éléments cliniques qui peuvent aider au diagnostic mais aussi sur les quelques particularités cliniques des périodes inter-critiques dites à tort « asymptomatiques » qui peuvent aussi apporter leur contribution à l’élaboration du diagnostic.

Clinique du trouble bipolaire
Dr Christian GAY

La maladie maniaco-dépressive aujourd’hui dénommée trouble bipolaire concerne 1,3 % de la population générale. Deux formes sont aujourd’hui individualisées : le Type I (0,8%) qui regroupe les évolutions avec des états maniaques ou des états mixtes et le Type II (0,5%) qui se caractérise par l’existence de phases hypomaniaques et des épisodes dépressifs majeurs. Ces deux catégories de troubles sont stables, c’est-à-dire que dans 90%, il n’a pas été relevé d’un passage du type I au Type II et réciproquement.
 
Cette maladie est grave en raison des suicides, des conduites à risques, de la désinsertion socioprofessionnelle et familiale, des comportements violents. Le taux de mortalité est deux fois et demi plus élevé que celui de la population générale. La fréquence des suicides est évaluée à 15% chez l’adulte et à 20% l’adolescent. Au plan économique, cette affection est responsable de coûts indirectes très élevés : perte de rendement, invalidité, suicide, désocialisation, poursuites judiciaires…

Les deux expressions de la maladie sont toutes aussi invalidantes. La phase maniaque s’accompagne plus fréquemment de troubles du comportement qui ont des conséquences majeures sur l’insertion du sujet et qui peuvent conduire à des poursuites judiciaires. Le défaut d’anticipation et la recherche de sensations fortes mettent en jeu le pronostic vital du maniaque.Le début se situe à la fin de l’adolescence et au début de l’âge adulte. Le diagnostic est posé tardivement après plusieurs années d’évolution, exposant le patient aux différentes complications de la maladie et à une désinsertion précoce. La fréquence des formes délirantes précoces, l’atypicité et le caractère atténué des premières manifestations de la maladie font souvent évoquer d’autres diagnostics à ce stade.

 Il existe une co-morbidité importante, en particulier avec les abus de substance qui touchent 60% des bipolaires. D’autres troubles sont aussi fréquemment rencontrés :, troubles paniques et troubles obsessionnels compulsifs, troubles de la personnalités…

L’épisode maniaque se caractérise par l’intensité et la richesse de la symptomatologie et justifie dans la majorité des cas une hospitalisation en raison de l’agitation et de l’activité délirante. Il existe une euphorie pathologique, une irritabilité, une excitation psychomotrice avec une accélération des processus idéïques aboutissant à une fuite des idées, un état de désinhibition qui s’exprime au plan instinctivo-affectif, une insomnie. Les formes délirantes sont fréquentes :
 des idées délirantes sont constatées dans 48% des cas, des préoccupations mystiques dans 39% des cas, une thématique persécutive dans 15%, un syndrome d’influence dans 15 % des cas et des hallucinations dans 15%.

Les états mixtes, qui constituent une autre modalité d’expression du trouble bipolaire de type I, se caractérisent par une intrication de symptômes dépressifs et maniaque. La fréquence de cette forme symptomatique est évaluée à 20%. Le risque suicidaire est majeur.Les états hypomaniaques sont des formes atténuées de la manie. Si les complications médico-légales sont moins fréquentes, il existe néanmoins des conséquences financières importantes et un risque de désinsertion non négligeable en raison de la persistance des symptômes, ceux-ci n’étant pas reconnus et traités.

Les épisodes dépressifs qui alternent avec les phases maniaques ou hypomaniaques se caractérisent par certaines spécificités : hypersomnie, hyperphagie, émoussement affectif, ralentissement. Il est classique d’attribuer aux neuroleptiques classiques un rôle précipitant.

Les formes à cycle rapide (4 épisodes au moins  au cours d’une année), représentent 20% des troubles bipolaires. Leur survenue est favorisée par des perturbations thyroïdiennes et la prescription d’antidépresseurs tricycliques. Les neuroleptiques classiques pourraient aussi accélérer les cycles.

La précocité de la mise en place du traitement conditionne le pronostic et l’évolutivité de cette maladie. La reconnaissance précoce des symptômes qui annoncent une récidive maniaque et l’institution rapide d’un traitement médicamenteux permettent d’enrayer le processus maniaque et d’éviter l’hospitalisation.
 La qualité de la tolérance médicamenteuse conditionne l’observance thérapeutique, rendant possible une prise en charge en ambulatoire, à la condition qu’une alliance thérapeutique ait pu s’instituer entre le patient et son médecin

Il est reconnu que le nombre d’accès antérieurs est corrélé au risque de résistance.L’existence d’une comorbidité, la consommation d’alcool, l’existence de troubles de la personnalité sous-jacents (trouble borderline et personnalité antisociale) constituent des facteurs de gravité et de résistance thérapeutique.

Abstract « Les Troubles Bipolaires » MEDEC – 18 mars 2004-03-10

                 « Rôle du Médecin Généraliste »
                 Pr. M.C.Hardy-Baylé

 
Aucune référence consensuelle ne permet de définir « a priori » le rôle du médecin généraliste dans la prise en charge du patient bipolaire. Celui-ci se décline dans un partenariat « médecin généraliste – psychiatre » qui prend en compte, sur un plan individuel, les connaissances et les compétences de chacun et définit les motifs et les conditions d’adressage au spécialiste.

Cependant, les connaissances acquises sur cette population de patients posent deux pré-requis « généraux » aux modalités de prise en charge :
  • une connaissance des dysfonctionnements dans la trajectoire de soins de ces patients imputables aux professionnels et pouvant être améliorés par une « information – formation » de chacun des acteurs de soins
  • la nécessité de recenser les critères utiles pour décider d’un recours au spécialiste et préciserles conditions d’un suivi ambulatoire par un médecin généraliste d’un patient bipolaire.
Nous aborderons ces deux pré-requis en apportant des données sur l’importance et les difficultés du repérage précoce de la bipolarité et sur les caractéristiques de la prise en charge des patients présentant ce type de troubles. Une discussion sur les critères utiles à une définition des rôles du médecin généraliste et du psychiatre ou de tout autre acteur de soins dans la prise en charge du patient bipolaire sera ouverte à partir de l’expérience acquise de ce type de partenariat dans le réseau santé mentale yvelines sud.

Docteur Frédéric SORBARA. Psychiatre, Conseil Scientifique Neurosciences. Suresnes, Lilly France.
   Traitement des épisodes maniaques


Les dernières recommandations de l’American Psychiatric Association accordent une place de plus en plus importante aux antipsychotiques atypiques dans le traitement des épisodes maniaques [1] et les algorithmes décisionnels du Texas [2] préconisent l’utilisation de l’Olanzapine en monothérapie dans le traitement des épisodes maniaques.
 L’Olanzapine a démontré son efficacité dans le traitement des épisodes maniaques d’intensité modérée à sévère quelle que soit la forme clinique lors de cinq essais cliniques randomisés, en double insu, totalisant près de 1300 patients [3,4,5,6,7]. L’Olanzapine en monothérapie entraine une diminution de la symptomatologie maniaque au moins aussi importante qu’avec le Divalproate dans les états mixtes et les cycles rapides, formes qui répondent généralement
 moins bien au Lithium [5]. Chez les patients ne répondant pas favorablement à un traitement par Lithium ou Divalproate au bout de 15 jours, le fait d’associer de l’Olanzapine entraîne une amélioration significativement plus importante dans les six semaines suivantes [6]. Par ailleurs, les résultats d’efficacité de l’Olanzapine dans les manies non délirantes suggèrent une efficacité de l’Olanzapine qui serait en partie indépendante de son efficacité antipsychotique.

Traitement préventif des récidives maniaques et dépressives

Le traitement des épisodes maniaques n’est en fait qu’une partie de la prise en charge des troubles bipolaires puisqu’il s’agit d’une pathologie à haut risque de récidive. Or la fréquence, la durée et l’intensité des épisodes ultérieurs sont des éléments pronostiques importants [8,9]. L’efficacité de l’Olanzapine au plus long cours et dans la prévention des récidives maniaques et dépressives a été évaluée à partir de quatre essais cliniques d’une durée allant de 47 à 71
semaines.

Nous disposions déjà d’arguments en faveur d’une efficacité de l’Olanzapine sur le plus long terme puisque dans l’extension de l’étude versus Divalproate à 47 semaines, l’efficacité constatée sur l’amélioration de la symptomatologie maniaque se poursuivait avec le temps avec une efficacité significativement supérieure de l’Olanzapine sur les premières semaines [10]. Dans l’étude d’association (Olanzapine + Lithium/Divalproate) sur une durée de 71 semaines, les patients en rémission sous cothérapie avaient une plus forte probabilité de rester en rémission avec le temps comparativement aux sujets sous seul traitement par Lithium ou Divalproate [11].

L’efficacité de l’Olanzapine dans la prévention des récidives maniaques et dépressives a été démontrée à partir de deux essais randomisés, en double insu, portant sur une période de 1 an.

Dans l’essai versus Lithium [12], les patients étaient inclus en phase maniaque, ils recevaient un traitement associant l’Olanzapine au Lithium jusqu’à obtention de la rémission (durant 6 à 12 semaines) puis ils étaient randomisés en deux groupes (Olanzapine ou Lithium). Après un an de suivi des sujets qui avaient atteint un niveau de rémission symptomatique, les patients sous Olanzapine ont présenté un taux de récidives bipolaires (maniaques ou dépressives) comparable à celui
 des patients sous Lithium (30.0% vs 38.8%, p=0.055). Chez les patients sous Olanzapine on retrouvait deux fois moins de récidives maniaques que sous Lithium (14.3% vs 28.0%, p<0.01) et ce pour un taux de récidive dépressive comparable (16.1% vs 15.4%, p=0.895). Un pourcentage significativement plus faible de patients traités par Olanzapine a été hospitalisé pour récidives au cours de l’étude (14.3% vs 22.9% ; p=0.026) [12].

Les données issues de l’essai versus Placebo permettent de confirmer l’efficacité de l’Olanzapine dans la prévention des récidives à la fois maniaques et dépressives [13]. Les patients ayant atteint un niveau de rémission symptomatique après un traitement en monothérapie par Olanzapine ont été randomisés en deux bras de traitement (Olanzapine ou Placebo). Après un an d’observation, le taux de récidive symptomatique était en faveur de l’Olanzapine avec une réduction
significative du taux de récidives maniaques et dépressives.

La tolérance de l’Olanzapine a été bonne, notamment sur le plan extrapyramidal ; il n’y a pas eu de cas de dyskinésie tardive à l’issu des essais sur le long cours. Un prise de poids a été observée chez certains patient en l’absence règles hygiéno-diététiques.

L’ensemble des ces données a permis à l’Olanzapine d’obtenir une indication européenne dans la prévention des récidives maniaques et dépressives chez le patients souffrant d’un trouble bipolaire ayant préalablement répondu à l’Olanzapine pour un épisode maniaque (indication européenne le 24 octobre 2003). L’Olanzapine est donc non seulement une molécule antipsychotique mais aussi un traitement antimaniaque et thymorégulateur [14]. Avec l’arrivée de l’Olanzapine dans cette nouvelle indication, de nouvelles perspectives thérapeutiques pour le traitement des troubles bipolaires s’ouvrent désormais aux cliniciens.

Références
1.       American Psychiatric Association, 2002
2.       Suppes et al, 2002
3.       Tohen et al, Am J Psych 1999
4.       Tohen et al, Arch Gen Psych 2000
5.       Tohen et al, Am J Psych 2002
6.       Tohen et al, Arch Gen Psych 2002
7.       Tohen et al, Données internes
8.       Goodwin et Jamison, 1990
9.       Manning et al, 2002
10.   Tohen et al, Am J Psych 2003
11.   Tohen et al, Données internes
12.   Tohen et al, Bipolar Disorders 2003
13.   Tohen et al, Bipolar Disorders 2003
14.   Résumé des Caractéristiques Produit, Vida


               Ateliers: aide au diagnostic: Dr Chantal HENRY
                                        Dr Jean-Albert MEYNARD
 
Il faut a priori rechercher des indices de bipolarité devant tout tableau de dépression. En effet du fait de la grande hétérogénéité clinique de cette pathologie aucun tableau n’est exclusif. Devant un épisode dépressif, il faut donc rechercher des éléments en faveur d’une alternance d’épisodes dépressifs et maniaques ou hypomanes, entrecoupés d’intervalles libres (retour à l’état de base), et ce du fait de la fréquence élevée des troubles bipolaires (1% de la  population générale). Quelques chiffres pour appréhender l’importance de cette démarche :
  • il se passe en moyenne 8 ans entre le début des troubles et le fait que le diagnostic correct soit posé
  • 73% des patients reçoivent au moins 1 diagnostic incorrect
  • 3 à 5 médecins sont vus avant le bon diagnostic
Malheureusement cela n’est pas sans conséquence : la mortalité est 2,5 fois plus importante que dans la population générale, et 19% des patients non traités décèdent par suicide (Goodwin and Jamison, 1999). De plus le risque de désinsertion familiale, sociale et professionnelle augmente avec la prise en charge tardive.

Les dépressions bipolaires peuvent présenter certaines particularités cliniques. Elles ont généralement un début plus précoce que les dépressions unipolaires. Elles sont également plus à risque suicidaire et sont plus souvent associées à des éléments psychotiques. De plus, la symptomatologie retrouvera plus fréquemment (Goodwin et Jamison, 1990):
  •   une hypersomnie (à la place de l’insomnie)
  •   une hyperphagie à la place de la perte d’appétit, notamment avec une appétence pour le sucré
  •   un ralentissement moteur important
  •   un ralentissement des processus idéiques
  •   un émoussement affectif
  •   un état plus sévère le matin avec difficultés importantes pour se mettre en route
  •   un risque de virage de l’humeur sous antidépresseur (Henry et al., 2001; Henry et Demotes-Mainard, 2003)
Le risque majeur est le passage à l’acte suicidaire qu’il est nécessaire d’évaluer systématiquement et qui sera d’autant plus à craindre qu’il existe un scénario précis sur la façon de procéder. L’évaluation de ce risque est la meilleure façon de le prévenir, et n’est en rien incitative.

Face à une dépression il faut rechercher systématiquement :

  •   Des antécédents personnels de dépression, d’hypomanie et de tentative de suicide.
  •   Des antécédents familiaux de troubles de l’humeur.
 En effet, le trouble bipolaire est une maladie à déterminisme complexe associant des facteurs de vulnérabilité génétique et des facteurs environnementaux. L'existence d'une vulnérabilité génétique vis-à-vis de ce trouble est établie depuis longtemps. Elle repose sur l'observation d'une agrégation familiale définie comme l'augmentation du risque de présenter la maladie chez les apparentés de premier degré (10 %) en comparaison de sa prévalence dans la population générale (1%). Cette concentration familiale du trait repose en partie sur des facteurs génétiques puisque la concordance pour le trouble est en moyenne de 60% chez les jumeaux monozygotes contre seulement 20% chez les jumeaux dizygotes. Il conviendra de rechercher les antécédents familiaux si possible à partir d’un arbre généalogique.
 En commençant par les parents biologiques, l’arbre devra s’étendre au moins à la fratrie des parents et à leur descendance (cousins germains), aux grands-parents et à la fratrie du proposant. Pour chaque sujet, il convient d’obtenir des informations sur l’âge, le statut marital, parental et professionnel, les antécédents psychiatriques en demandant de préciser la nature des troubles, la notion de prise de traitement, les hospitalisations, les tentatives de suicide et leur mode.
Au delà de la pathologie psychiatrique à proprement parler, il est possible ainsi de se faire une idée du mode de fonctionnement général de l’ensemble de la famille proche. De plus, le fait de passer en revue un à un les sujets permet d’obtenir des informations beaucoup plus précises que lors d’une simple question ouverte sue les antécédents psychiatriques familiaux. Il faut éventuellement interroger les proches pour compléter les informations.
  • Des troubles comorbides qui sont fréquents avec une attention particulière pour les troubles anxieux et les addictions qui sont retrouvés avec une prévalence de 20 à 40% (Henry et al., 2003).
  • La personnalité pré-morbide du sujet correspondant souvent à un tempérament hyperthymique ou cyclothymique (Akiskal and Mallya, 1987).

Contrairement aux idées reçues, il existe de nombreuses circonstances pouvant induire des dépressions bipolaires. Elles peuvent survenir :
  • spontanément
  • de manière récurrente et saisonnière (notamment en automne)
  •  après un événement pénible (ceci a été longtemps méconnu car les dépressions bipolaires étaient considérées comme endogènes par opposition aux dépressions dites psychogènes ou réactionnelles). Nous savons maintenant que les accès dépressifs ou maniaques font souvent suite à des stress positifs (une promotion par exemple) ou négatifs (Swendsen et al., 1995).
  •  après un accès maniaque (dans 50% des cas)
Contrairement a ce que la dénomination du DSM-IV peut laisser supposer, les épisodes dépressifs ‘majeurs’ (en fait il faut comprendre ‘caractérisés’) peuvent être d’intensité modérée, avec la possibilité par exemple de rester, pour le patient,  relativement efficient dans le cadre d’une activité professionnelle, ou bien d’intensité sévère et éventuellement accompagnés d’éléments psychotiques.

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